Commentaire sur le marché

Anticiper les décisions de la Fed : pause politique ou tournant ?

4 MIN READ
Jun 15 2025

Lors de sa dernière réunion, début mai, le Federal Open Market Committee (« FOMC »), organe de la Fed, a décidé de maintenir le taux d’intérêt cible entre 4,25 % et 4,5 %. Cette fourchette est restée inchangée depuis janvier et, à l’heure où nous écrivons ces lignes, les marchés sont presque certains que la Fed maintiendra cette position lors de la prochaine réunion de juin.

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Cette décision ne reflète toutefois pas une perspective stable ou unifiée sur les taux d’intérêt ou les conditions économiques aux États-Unis. Elle illustre plutôt un état d’inaction façonné par des niveaux élevés d’incertitude qui persistent depuis le début de l’année, principalement en raison de la politique commerciale, mais pas exclusivement.

Aperçu de la réunion de mai

Le procès-verbal de la réunion des 6 et 7 mai, ainsi que les commentaires publics ultérieurs du président Jerome Powell révèlent un degré d’inquiétude notable parmi les membres du Comité.[1] À l’époque, la version la plus extrême du programme relatif aux droits de douane du président Trump était encore en vigueur, incluant des taxes supplémentaires de 145 % sur les importations chinoises, entre autres mesures.

La perspective de droits de douane prolongés était considérée comme susceptible de contribuer à la fois à l’inflation (par l’augmentation des prix) et au ralentissement économique (les entreprises licenciant des travailleurs et réduisant leur expansion). Cette combinaison, connue sous le nom de « stagflation », poserait un dilemme à la Fed, car ni la hausse ni la baisse des taux d’intérêt ne permettent de résoudre les deux problèmes simultanément.[2]

Le spectre d’une mauvaise appréciation de l’inflation par la Fed, lorsqu’une précédente poussée avait été qualifiée de transitoire, vient encore compliquer les choses.[3] Le président Powell a laissé entendre que la position actuelle d’attendre et de voir (wait and see en anglais) devrait persister, notant que les coûts potentiels de l’attente pour recueillir plus d’informations économiques sont « assez faibles ».[4]

Le différend commercial en cours

Bien que largement décrite comme une « guerre commerciale », la progression des droits de douane de Trump, dits du « jour de la libération » (Liberation Day en anglais), ressemble davantage à une posture stratégique qu’à un conflit durable. Notamment, peu après la réunion de mai de la Fed, les négociateurs américains sont parvenus de manière inattendue à un accord avec leurs homologues chinois à Genève, conduisant à une réduction des droits de douane de 145 % à 30 %.[5] Une évolution similaire s’est produite avec l’UE plus tard dans le mois ; la mise en œuvre d’un droit de douane de 50 % a été reportée au mois de juillet.[6]

Néanmoins, la situation reste en constante évolution ; les droits de douane sont fréquemment annoncés, puis suspendus, tandis que les relations tendues avec les puissances étrangères continuent à produire des signaux contradictoires.[7]

Si les droits de douane s’avèrent être un moyen plutôt qu’une fin pour l’administration Trump, cette tendance pourrait persister indéfiniment, ou jusqu’à ce que l’administration estime qu’elle a suffisamment remodelé le statu quo antérieur.

Par conséquent, les observateurs, y compris la Fed, n’ont d’autre choix que d’attendre et de voir ce qui se passera.

Retour sur les données

La Fed souligne souvent son engagement en faveur d’une approche fondée sur les données. À première vue, les récents indicateurs économiques pourraient être rassurants.

L’inflation – mesurée à la fois par l’IPC et par l’indice PCE, plus étroitement surveillé – a diminué en glissement annuel en avril, selon les données publiées en mai.[8] L’indice PCE global est tombé à 2,1 %, tandis que le PCE de base (qui exclut les prix volatils de l’alimentation et de l’énergie) a chuté à 2,5 %, ce qui constitue son niveau le plus bas depuis mars 2021.[9] Les tout derniers chiffres de l’IPC montrent que l’IPC de base a encore diminué, ce qui a conduit certains à déclarer que la Fed avait vaincu l’inflation.[10]

Sur le front de l’emploi – un autre élément clé du double mandat de la Fed, les conditions semblent favorables. Le taux de chômage est resté stable à 4,2 %[11] en avril, un chiffre historiquement bas. Le PIB semble également sain, la seule activité inhabituelle résultant d’une augmentation des commandes anticipées en prévision des nouveaux droits de douane.[12]

Tout cela peut sembler rassurant, diront les critiques, mais l’incertitude qui règne signifie que les données passées n’ont que peu d’influence sur ce qui nous attend.

Conclusion

Les responsables de la Fed ont des points de vue différents sur l’évolution de l’année. Le gouverneur Christopher Waller, par exemple, a laissé entendre que le différend tarifaire pourrait finalement aboutir à un taux de référence de 15 %, ce qui serait susceptible d’ouvrir la voie à des réductions des taux d’intérêt plus tard dans l’année.[13] Par contre, d’autres membres, dont la présidente de la Fed de Dallas, Lorie Logan, se sont montrés plus prudents quant à un engagement ferme en faveur d’une baisse des taux à ce stade.[14]

Compte tenu de cette divergence de vues au sein même de la Fed, il serait prudent de ne pas accorder une confiance excessive à une seule prévision. En fin de compte, un investissement réussi consiste moins à prédire les résultats qu’à reconnaître le bon moment et la bonne manière de réagir.


[1] U.S. Federal Reserve

[2] BBC

[3] New York Times

[4] Wall Street Journal

[5] CNN.com

[6] CNN.com

[7] BBC

[8] Federal Reserve Bank of St. Louis

[9] Forbes

[10] Bloomberg

[11] U.S. Federal Reserve

[12] BBC

[13] Wall Street Journal

[14] Reuters

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